Extrait
Incipit
Depuis le début de l’affrontement, Wellis luttait davantage contre les vagues successives des douleurs abdominales que contre son adversaire. Palpitations et vertiges. Nausées. Il n’allait pas bien. Pas bien du tout. Les veines-racines qui recouvraient son corps massif saillaient et palpitaient à un rythme inquiétant. En temps normal, chacun de ses combats rayonnait d'énergie, même lorsqu'il n'en sortait pas vainqueur. Le public s'en nourrissait et le lui rendait bien. Mais ce jour-là, quelque chose allait de travers. Le gris-vert de sa peau pâlissait, l'orange de ses yeux tirait vers un jaune maladif, le sang lui pulsait au niveau de ses ouïes. Le plus mauvais trip depuis des années.
Un mal de ventre l'avait pris une semaine plus tôt. Il avait pensé à une indigestion, mais la douleur avait persisté et atteignait ce soir-là son paroxysme. Il s'était peut-être trompé dans sa dose, ou peut-être lui avait-on refourgué du selez frelaté. Ça n’aurait pas été la première fois.
Sa confusion n’avait pas échappé à Proemers. L'humain, peu rassuré au début du combat, le regardait d’un œil différent. Il prenait de l’assurance, osait s’imaginer vainqueur de cet affrontement que tous les parieurs pensaient voir plié en quelques minutes.
— Qu’est-ce qui se passe, Wel’s ? hurla Cole depuis son poste d’observation.
— Je n'en sais rien, bordel. Ça ne va pas, lui souffla Wellis en reculant à portée de voix.
Profitant de la débâcle de Wellis qui s’était courbé, une main sur le ventre, Proemers réduisit la distance qui les séparait et lui décocha un puissant uppercut au menton. Il était loin des deux mètres cinquante de l'Hybride, mais honorait tout de même un bon deux mètres zéro cinq. La tête de Wellis partit en arrière. Il eut l’étrange impression que son corps ne suivait pas. La douleur dans son crâne explosa et il s’effondra en arrière sur le derme veineux. La foule hurla. Un cri collectif et animal. Sauvage. Mélange de déception et d’étonnement, de fureur et de satisfaction sadique. Même si les paris semblaient compromis, la situation prenait une tournure qui n’était pas pour déplaire au public.
Wellis luttait contre les cris, contre la douleur qui l'assaillait par vagues. Il ne s’agissait ni d’une indigestion, ni d’une overdose. De cela il était certain. Alors quoi ? L’avait-on empoisonné avant le match ? Une semaine plus tôt ? Tout le monde ne lui voulait pas que du bien, cela ne faisait aucun doute, mais Cole contrôlait tout ce qu’il ingurgitait, selez compris. Cole ? Non. Son coach s’occupait de lui depuis de nombreuses années. Les combats constituaient une affaire trop lucrative, droguer son poulain serait un suicide commercial, et ils étaient amis avant d’être associés. L’harkora, le virus des Hôtes ? Wellis n’avait jamais entendu dire que les Hybrides pouvaient le contracter mais ce n’était pas à exclure.
Il faudrait tirer ça au clair. Dans l’immédiat, il devait s’occuper de Proemers, pour ne pas perdre définitivement l’occasion de s’inquiéter pour sa propre santé.